Nicola Sirkis un entretien avec Marie Drucker "PARIS MATCH"

J'aime beaucoup cet article. C'était juste avant le STADE DE FRANCE.....

CULTURE-MATCH | DIMANCHE 20 JUIN 2010

NICOLA SIRKIS, L’AVENTURIER D’INDOCHINE
Nicola Sirkis, l’aventurier d’Indochine
 

Photo Edouard Bride / Voix du Nord / MaxPPP


Paru dans Match

Le 26 juin, le chanteur et son groupe se produiront au Stade de France, qui affiche complet depuis un an. Pour Paris Match, Marie Drucker a rencontré l’artiste entre deux répétitions. Confessions.

Un entretien avec Marie Drucker - Paris Match

Marie Drucker a grandi au son d’Indochine. Comme toutes les petites filles des années 80, elle a dansé sur « L’aventurier », vibré sur « Tes yeux noirs », « Troisième sexe » ou « Le baiser ». Nicola Sirkis, lui, vient de passer trente ans avec son groupe, qui l’ont mené de la gloire absolue au pilori. Mais depuis la chanson « J’ai demandé à la lune », Indochine s’est refait une virginité et une légitimité, en conquérant une nouvelle génération de fans prête à envahir le 26 juin les 80 000 places du Stade de France. Après sept mois sur les routes avec le « Meteor Tour », Indochine s’offre donc un incroyable anniversaire et promet un spectacle riche en surprises et en émotions. Avare de sa parole, Nicola Sirkis a accepté de se confier à son amie Marie. Interview intime et sans concessions.

Marie Drucker. Secrets et pudiques comme nous le sommes tous les deux, tu crois que nous avons raison de converser publiquement dans Paris Match ? 
Nicola Sirkis. Alors mademoiselle, je te retourne la question ! J’ai comme l’impression que l’on te voit plus dans la presse que moi ! A ton insu, souvent, il est vrai...
Merci de le préciser ! 
Même si beaucoup de fans connaissent ma vie, j’ai cette chance qu’ils respectent autant ma vie privée que je les respecte eux... Toi tu es une personne publique, certes, mais pudique. Alors, oui, nous avons raison !

Et puis ce n’est pas tout à fait une conversation... Tu es un artiste et je suis journaliste… On fait notre métier, on est sauvé ! 
On a sauvé notre âme ! Cela dit, je ne pense pas exercer un métier. J’ai cette chance immense de réaliser une passion.

Ce qui est fou quand on devient ton amie, c’est de découvrir que tu es l’inverse du prototype – même si tu es un archétype ! – du chanteur de rock... Tu habites une banlieue cossue, tu vouvoies ta mère, tu mènes une vie d’ascète et tu accompagnes ta fille à la danse le mercredi... 
Alors d’abord, la danse c’est le samedi ! Mais tu sais que j’adore aussi me lever tôt le matin pour la réveiller, lui préparer son petit déjeuner et l’emmener à l’école. Je le fais le plus souvent possible. Pour elle et pour moi aussi. Ma pièce préférée chez moi c’est la buanderie : le linge sale, le linge propre... Je suis une vraie maîtresse de maison ! J’ai besoin de mener une existence normale pour pouvoir créer des choses “anormales”. Parce que ce que je vis avec Indochine est totalement en dehors de la normalité et, si je ne devais vivre que ça, je ne pourrais pas écrire. Ecrire, pour moi, c’est se dérober à la réalité. Quant au vouvoiement, il vient de l’éducation de mes parents. J’ai toujours vouvoyé les personnes plus âgées. Ce qui aujourd’hui – à mon âge – devient de plus en plus rare ! Je te rassure, ma fille me tutoie ! Faut pas déconner non plus...

C’est cette rigueur qui te sauve, non ? Je me suis toujours demandé comment on pouvait être “toi” et résister à la folie... 
La folie, perdre pied, cela a toujours été une immense angoisse pour moi. C’est peut-être ce qui m’a, paradoxalement, sauvé des drogues et de l’alcool... Parfois je me demande comment je fais pour ne pas craquer. La pression est souvent forte. Le groupe... Ma vie... Ce sont tellement de trucs qui se bousculent dans ma petite tête... Un œil sur la guitare, un autre sur la bagarre ! Sur scène c’est flagrant : je vois tout, je maîtrise tout, mais je me laisse aller aussi. Et je sais que je n’ai pas le droit de me plaindre, que tout ça n’est ni la vie ni le monde.

A un moment, ça a moins bien fonctionné pour Indochine. En 1993 quand sort “Un jour dans notre vie”, la presse et les fans ne suivent plus. Idem pour “Wax” en 1996. Tous les grands artistes et les grands groupes ont connu des dépressions... Qu’est-ce qui a manqué à ces albums et au groupe à ce moment-là ? 
Ces dépressions sont parfois nécessaires mais souvent injustes. Nous n’étions ni usés ni en manque de convictions, mais nous n’arrivions pas à convaincre. Pourtant, il y avait de putains de bonnes chansons dans ces albums ! Mais nous devions en passer par là. Demain cette question peut se reposer car tout est fragile. Et c’est ça qui est bien : rester fragile.

Avec Indochine, penses-tu avoir inventé quelque chose ? 
Oui, la survie !

Nous avons failli faire un livre ensemble et, quand nous en avions discuté à l’époque, tu tenais absolument à ce qu’il reflète tes influences : la poésie, le design... Comment s’inscrivent-elles dans ton processus de création ? 
Tout naturellement et ce, justement, parce que je pense n’avoir rien inventé. Quand des fans m’écrivent que ce que je chante, c’est ce qu’ils avaient toujours rêvé d’entendre ou de lire, cela me renvoie à la première fois que j’ai lu Duras. Elle écrivait comme j’avais toujours rêvé d’écrire. C’est devenu encore plus fort avec Salinger et “L’attrape-cœur”. Tout à coup, je ne me sentais plus seul. Dans les livres, devant une peinture ou une photo, dans une expo d’art contemporain ou face à un spectacle de danse, je me sens plus riche et j’ai envie de partager cette richesse. Ces influences me permettent encore d’apprendre et, peut-être, de m’améliorer un peu.

Ces influences sont plutôt sombres, il suffit de voir ton amour pour Sylvia Plath. Souffres-tu de mélancolie ? 
Sylvia Plath, que c’est beau, mais que sa vie a été dure... 
A 5 ans elle a dit à sa mère, quand son père est mort, qu’elle ne parlerait plus jamais à Dieu. A 5 ans ! Mon pessimisme me permet de vivre et mes désillusions sur la nature humaine me donnent la force d’essayer, non pas le bonheur qui est pour moi souvent impudique, mais d’être un peu mieux par ici. Même si je n’y arrive pas tous les jours... Mais attention j’aime bien rire quand même ! Ce serait génial de mourir de rire, non ?

Aujourd’hui on pense que la mélancolie est un avatar de la modernité or, pour Hippocrate, la tristesse était l’apanage des génies ! 
Les génies sont tristes parce qu’ils ont tout compris.

Il y a quelqu’un dont tu refuses de parler en public, c’est ton frère Stéphane. Si je suis ton amie, je ne t’en parle pas dans Paris Match. Mais si je suis journaliste, alors je te demande ce que tu as envie de dire, là, maintenant... 
Toi et moi, nous en avons beaucoup parlé en privé. Mais comme ici tu fais ton métier, eh bien, c’est rien... Un jour, peut-être, j’en parlerai parce qu’il mérite d’être un éternel.

Tu vas avoir... Tiens, j’ai le droit de dire ton âge ? Tu as peur de vieillir n’est-ce pas ? 
Oui, tu peux le dire et, non, je n’ai pas de problème avec ça : je vis une adolescence – pour l’instant ! – éternelle grâce à toute cette énergie positive, cet amour fort que l’on me donne, notamment pendant nos concerts. Je ne sais pas si j’aide les gens qui viennent nous voir mais eux m’aident incroyablement à vivre. En revanche, j’ai peur de disparaître plus tôt que prévu, pour mes enfants, mes proches... C’est sans doute lié à Stéphane et, quand ma fille me parle de ça avec parfois des larmes dans les yeux, ça me tue. C’est ce dont j’ai le plus peur : ne plus être là pour elle.

Le 26 juin, tu vas monter sur la scène du Stade de France. Je te vois faire, c’est un travail incroyable de préparation. Notamment parce que tu contrôles les moindres détails. Pourquoi veux-tu toujours avoir la main sur tout ? 
Il ne faut pas se méprendre, ce n’est pas de la paranoïa ou du despotisme ! Mince ! Il y a plus de 70 000 personnes qui ont acheté leurs places plus d’un an à l’avance, qui nous font confiance et qui ont envie de partager un truc fort avec nous. Alors être négligents sur la manière de les accueillir, ce serait trahir mes idéaux. La musique pour moi c’est sacré, mais nos concerts et notre public encore plus. Donc il faut anticiper. C’est éprouvant mais passionnant. 
Quand on a 51 ans donc, qu’on est leader du plus grand groupe de rock français, soutenu par trois générations de fans, qu’on porte encore des Creepers et une mèche, comment fait-on pour ne pas devenir une caricature ?
Je ne suis pas un prototype. Je suis sincère. J’assume. 
« La République des Météors » (Columbia/ SonyBMG). En concert le 26 juin au Stade de France, le 17 juillet au festival des Vieilles Charrues, le 18 au festival Musilac, à Lille le 12 septembre et à Paris-Bercy le 15 septembre. 
Indochine en 6 dates
1981 Dominique Nicolas et Nicola Sirkis créent Indochine en mai. En septembre, le duo devient quatuor avec Dimitri Bodianski et Stéphane Sirkis. 
1983 Tube « L’aventurier ». Près de 700 000 45-tours vendus.
1985 L’album « 3 » les impose sur la scène française. 
1989 Départ de Dimitri. Cinq ans plus tard, Dominique Nicolas jette l’éponge. 
1999 Décès de Stéphane le 27 février.
2002 L’album « Paradize », porté par la chanson « J’ai demandé à la lune », s’écoule à plus de 1 million d’exemplaires.
Nicola Sirkis en 6 dates
1959 Naissance le 22 juin de Nicola et Stéphane à Antony. 
Deux ans plus tard, la famille s’installe à Bruxelles. 
1976 Après la séparation de leurs parents, les jumeaux déménagent avec leur mère en banlieue parisienne. Ils découvrent Patti Smith et David Bowie. Un choc.
1992 Publie « Dans la lune », son premier album solo. 
1998 Sortie de son livre, « Les mauvaises nouvelles ».
2001 Naissance de sa fille, Théa, née de sa relation avec Gwen Bouchet, musicienne.
2003 Il épouse la mère de sa fille en septembre. Point final

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